LE GESTE DE S ‘ASSEOIR :

 

“Faire une chaise” me semblait si important que c’est la première chose que j’ai voulu réaliser quand j’ai découvert les artisans marocains. Comme si “faire une chaise” était l’acte fondateur de tout dessein de mobilier. En quoi le fait d’y déposer nos postérieurs rendrait-il l’objet si important ? Dans nos sociétés occidentales, nous y passons certes du temps : travailler, écrire, manger, parler, … la chaise est le support prosaïque de nombre d’actes quotidiens. Dans beaucoup d’autres sociétés, la chaise n’existe même pas, ou alors uniquement comme signe du pouvoir. Nos chaises se situent un peu entre ces deux fonctions, certes ce sont des objets d’usage comme il se doit, mais elles ont aussi une charge symbolique qui exprime d’autres choix que celui de s’asseoir.
L’idée de faire des chaises en fer m’est venue de l’opportunité d’une rencontre avec celui qui allait les réaliser. Il est vrai qu’elles sont lourdes, elles peuvent rouiller, elles sont d’un contact froid et de plus, contrairement au lit, la chaise en métal n’est pas tellement courante dans notre culture. Pourtant, par rapport à une chaise en bois, j’ai découvert à quel point elle permettait un geste simple et pur, la matérialisation d’un signe presque calligraphique dans l’ espace, une apparente légèreté d’écriture où la technique se fait souple au service de l ‘idée.
Et puis finalement, pour une idée, c’est vraiment confortable.
Asseyez-vous, vous serez surpris…

Après le temps de la chaise comme « geste fondateur » est venu le temps du fauteuil, comme si une légère fatigue me gagnait. Une fatigue en toute dignité, soutenue par un squelette de fer pour ne pas céder à un effondrement total, mais bourré de plumes et revêtu de velours pour la douceur du repos. Bref, l’équilibre des contraires, entre austérité et baroque comme un fil conducteur, décidément partout présent.