Photo : Eric Morin

 

De ma longue expérience de “peintre en bâtiment” et de conseillère en couleur, il me reste quelques certitudes bien ancrées.
Comme je me méfie des certitudes, je les appelle mes “recettes de cuisine”. J’ai néanmoins remarqué que
personne n’avait trop envie de les traiter avec une pareille désinvolture et qu’elles suscitaient même un certain intérêt.
En voici donc une petite série, … à appliquer seulement si elles vous plaisent.

L’ART DE FAIRE JURER LES COULEURS :

Ma mère se moquait toujours des « élégantes de province » qui ne sortent pas sans les gants assortis au sac et au chapeau.
Je ne pense pas un seul instant à l’imiter et j’espère même que ce genre de propos est démodé. Par contre, ceci m’est resté :
je n’aime pas non plus les gants assortis au sac et au chapeau. Certes, j’ai toujours cherché à trouver une harmonie globale entre les différentes couleurs de la collection, mais je n’ai jamais écarté une couleur qui me semblait exquise au profit de l’harmonie,
parce que j’utilise souvent ce que j’appelle joliment une « tension » entre les couleurs pour ne pas dire tout simplement qu’elles jurent.
Car, comme pour de nombreux autres aspects de la vie, tout est question de proportions.
Trop de couleurs en harmonie lassent et écrasent l’imaginaire, introduire une légère tension réveille l’intérêt.
Et de toutes les manières, en ce qui concerne les lieux de vie qui sont notre propos, la vie justement se charge généralement très bien d’introduire la tension dans un univers trop artificiellement composé par les décorateurs ou les lecteurs très assidus de revues de décoration.

 

Il est préférable de toujours choisir une couleur à la lumière du jour plutôt qu’à la lumière artificielle.
En effet, une couleur qui est belle le jour est généralement belle le soir aussi, tandis que l’inverse est presque toujours faux.
De plus, la lumière artificielle peut être adaptée, ce qui n’est évidemment pas le cas de la lumière du jour.

 

“Il ne faut pas peindre une pièce sombre dans une couleur sombre”, disent-ils …
Mais peindre une pièce sombre en blanc ne l’a jamais rendue claire, le plus souvent elle devient surtout plus froide et triste.
Alors, je préfère me résigner à ce qu’une pièce soit sombre en développant son ambiance à partir de son identité,
plutôt que de tenter en vain de la rendre plus claire contre sa nature.

 

Les couleurs ont évidemment la capacité de construire ou de déconstruire un espace, ce qui dépasse largement le domaine
de la décoration au sens ensemblier. Par exemple, je préfère peindre le plafond de la couleur des murs, qu’il soit bas ou haut.
Car ce qui importe le plus dans l’harmonie d’une pièce, c’est le rapport entre les quantités de surface des différentes couleurs.
Comme les fenêtres, les portes et le sol envahissent une partie de l’espace, la couleur des murs n’est souvent pas assez dominante,
elle n’habite pas assez l’espace. Si le plafond est encore d’une autre couleur, même neutre, l’ensemble est chahuté,
une addition de petites surfaces. Et puis, finalement, ce n’est pas en attirant le regard par une autre couleur
qu’on pourra corriger un plafond trop haut ou trop bas !