2010 Marrakech

November 2010
THE WORLD OF INTERIORS
Marie-France Boyer
Photography : Eric Morin

 

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Photos : Emery&Cie

 

Quelle  est ma relation avec le Maroc ? Cette question m’a été souvent posée, or  j’ai toujours délibérément préféré donner des réponses floues parce que je voyais bien que chacun, qu’il soit client, simple observateur ou journaliste, aimait à remplir ce vide avec sa propre lecture du Maroc et son propre rapport à l’autre, ce que, observateur à mon tour, je trouvais plutôt drôle et parfois enrichissant. Mais en tout cas il ne s’agit en rien d’un rapport du genre amoureux.  Le Maroc est avant tout pour moi l’outil qui m’a permis de retrouver  ce qui m’attirait obscurément dans les objets anciens par rapport aux produits contemporains, et que, dans un accès de candeur romantique, j’avais longtemps imaginé « disparu » à jamais : la trace de la main de l’homme et l’imperfection magique qui en est le signe. Là bas, l’artisanat a la force d’un ressort bien vivant de l’économie, très loin de la sophistication d’un artisanat de luxe, reliquat du passé entretenu artificiellement à grands frais. Là bas, je peux laisser courir librement mon imagination nourrie depuis toujours par l’autre à travers les livres, les musées, les voyages… car j’ai trouvé des complices pour m’aider à transformer mes dessins en objets. Et si j’aime être l’un des acteurs de la vie économique dans une ville étrangère, que je nourris et qui me nourrit à son tour, cela aurait pu aussi bien se passer ailleurs. Quoique celui qui porte des  « Nike » sous  sa djellaba est pour moi comme un frère, dans le mélange de contradictions en équilibre précaire toujours  recommencé entre baroque et austérité.

L’Éloge de la Babouche :
La babouche représente tout un art de vivre. Conçue pour pouvoir facilement être déchaussée avant de marcher sur les tapis, elle permet donc une ventilation naturelle du pied chaque fois que vous le jugez bon. Il n’y a pas de « babouches de course », nous sommes donc à l’opposé symbolique de la chaussure de sport si largement utilisée hors sport: nous sommes dans l’univers du calme, là où prendre le temps de réfléchir n’est pas forcément  moins  efficace que de courir. Comme souvent les bonnes choses, le port de la babouche se mérite: il faut une petite adaptation, un « coup de pied », une sorte d’habileté musculaire de la plante du pied pour retenir l’outil. Alors vous pouvez même vous déplacer rapidement, …quand cela devient indispensable. Et puis la ligne de la babouche, dans son extrême simplicité, et particulièrement quand elle est réalisée par un maître, est d’une telle perfection formelle qu’elle se passe de tout commentaire. …

Extrait de « Une maison au Maroc» fascicule 4 du livre
“By Agnès Emery Par Agnès Emery”