DES CARRELAGES EN VERRE :

Des carrelages en verre, oui, mais coulés à la main pour qu’ils gardent encore en ondes légères le souvenir de l’état liquide et brûlant et qu’une bulle d’air parfois reste emprisonnée dans la matière devenue immobile.
Le mur ainsi habillé se voile alors d’une couche brillante colorée ou à peine teintée qui attire la lumière. Une parure un peu mystérieuse dans sa version translucide qui n’affiche pas d’emblée son identité, parce qu’elle dévoile au mieux quand elle n’est pas trop intensément colorée la surface neutre de la colle qui la fixe au mur, tandis que l’épaisseur du verre évoque un monde un peu aquatique. Dans sa version « shiny », l’arrière du carrelage formant miroir à travers l’épaisseur colorée, s’ajoute un éclat un peu lointain. Comme cette dernière version miroitante n’a jamais existé auparavant, les évocations de son usage manquent pour en parler. Ou alors il faut plutôt convoquer quelques matières imaginaires issues de la littérature de contes de fées, comme les impossibles robes que Peau d’âne demanda à son père dans l’espoir de postposer leur mariage incestueux. Les descriptions de lieux légendaires à jamais disparus, en particulier quand il reste quelques ruines informes et poussiéreuses dont il faut bien entretenir la séduction à grand renfort de murs couverts de pierres précieuses, peuvent aussi convenir. Je pense également aux multiples récits qui, dans toutes les religions, habillent le Paradis de matières irréelles, tout juste assez réelles pour pouvoir être imaginées.
Les carreaux en verre «shiny» habillent les coins ombreux d’une mystérieuse lumière qu’ils réussissent à dérober je ne sais où. Un fond de cage d’escalier ou un morne couloir s’en trouvent un peu rassurés sans perdre pour autant leur essence de passage entre deux lumières et deux mondes. Utilisés autour des miroirs, ils forment une transition toute en douceur entre le reflet parfait de celui-ci et la masse absorbante des murs.
Comme tous les carrelages, ils conviennent à l’évidence pour les lieux voués à l’eau, mais leur éclat précieux devrait leur permettre de démontrer leur capacité à jouer avec la lumière dans des endroits plus inédits.

Nos carreaux en verre sont fabriqués en Inde dans des fours plus ou moins primitifs, ce qui leur donne cet aspect imparfait et irrégulier qui nous plaît. Le travail des machines n’y a pas encore remplacé celui des hommes. Et l’équilibre entre ce dernier et la nature est sans doute aussi difficile que partout ailleurs. Mais la nature est plus présente ici que dans nos zonings industriels, et ici la ferme est juste derrière la fabrique.